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fausse route

allait devant, Michel suivait portant le panier plein de champignons. Ce fut Angélique qui reprit la parole :

— Est-ce que vous ne pouvez pas comprendre que j’ai besoin de penser quelquefois toute seule sans entendre parler autour de moi ? Si je trouvais comme vous Mlle Roy pour m’attendre, je n’aurais pas envie non plus de sortir la nuit, moi. Mais…

Elle s’interrompit et ajouta plus bas :

— Et puis j’aime la forêt et comme je n’ai pas le temps d’y aller le jour, j’y vais la nuit.

— Il faut renoncer à cette habitude, Angélique, dit Michel sourdement. À votre âge, cela vous fera mal juger des gens.

Angélique se récria :

— Des gens ! Est-ce qu’ils ne disent pas du mal quoi qu’on fasse ; alors, à quoi bon s’en inquiéter ?

Ils étaient sortis tous les deux de l’ombre et Suzanne les voyait distinctement sur la route blanche. Dès qu’elle eut jeté les yeux sur son enfant d’adoption, elle sentit le calme rentrer dans son âme. Il était impossible que Michel fût capable d’une action basse ni d’un mensonge, mais… qu’il était pâle ! Il était d’une pâleur effrayante ! Il regarda un moment le ciel où scintillaient toutes les étoiles de la nuit, puis il dit :

— Il est tard ; il faudrait rentrer !… Pourtant asseyons-nous un moment, Angélique : je ne veux pas partir d’ici avant que vous m’ayez promis de ne plus y revenir seule, le soir.