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les ignorés

— Mais, mon enfant, balbutia-t-elle, suffoquée. Est-ce à présent que tu devrais me dire ces choses ?

Il balbutia :

— C’est vrai… je suis fou… Je ne sais pas ce que j’ai ce soir. Je suis fou de vous parler ainsi ce soir.

Et la quittant, il fit quelques tours dans la chambre puis il revint se placer à côté d’elle. Sous la lumière vive de la lune, son visage paraissait plus blanc que jamais.

— C’est la dernière défaillance que vous aurez à me reprocher, tante Suzanne, murmura-t-il. Oubliez ce que je vous ai dit. Et maintenant, bonsoir… J’ai besoin d’être un moment seul.

Avant qu’elle trouvât rien à lui dire pour le retenir, il l’avait quittée.

Elle resta longtemps immobile à la même place, le cœur déchiré de doute et d’appréhension. Depuis qu’elle avait adopté le fils de Valentin, c’était la première fois qu’il la faisait souffrir ainsi. Elle ne pouvait plus décemment fermer les yeux à la vérité ; la responsabilité qu’elle avait cru abdiquer entre les mains du père disparu, lui revenait tout entière après de longues années de quiétude. Tout l’édifice d’une vie future à côté de Michel, d’une vie paisible à deux craquait sur sa base. Elle murmura enfin, les yeux perdus dans l’espace :

— Tu vois mieux les choses que moi. Qu’est-ce qu’il faut faire ?

Et à force de penser au mort et à son désir si pré-