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fausse route

tive prudence de gens dont la conviction est faite une fois pour toutes, et qui la font louvoyer, sourde et muette, au milieu de toutes les objections.

Il était passé dix heures quand Michel rentra enfin. Il tenait son chapeau à la main et son front pâle était ruisselant. Suzanne, qui avait commencé à s’inquiéter de son absence, lui dit :

— Tu t'es attardé ce soir, Michel, j’allais aller à ta recherche.

— Je me suis trompé d’heure… et de chemin, dit-il. Dans la forêt, il faisait une nuit noire. Je suis fâché que vous m’ayez attendu, tante Suzanne.

— Dans la forêt, dit elle, qu’allais-tu faire dans la forêt à cette heure ?

Il réfléchit quelques secondes, puis il dit :

— J’avais vu Angélique Charpon entrer sous les arbres. J’ai eu peur de la sentir seule dans ces ténèbres et j’ai voulu la suivre. Mais elle m’a échappé.

— Elle allait sans doute cueillir des champignons, dit Suzanne. C’est son habitude tous les soirs, des fleurs ou des champignons.

Michel ne répondit pas tout de suite. Enfin il dit :

— Je l’ai connue autrefois à l’école. Elle était dans les petites, mais elle était toujours la première. Nous jouions ensemble. Elle était toujours triste. Je crois qu’elle ne me reconnaît plus.

Il ajouta :

— Ne trouvez-vous pas, tante Suzanne, que c’est