zanne reprit la parole, mais en dirigeant obstinément la causerie sur d’autres sujets comme pour se distraire de ses propres pensées.
Au moment où ils quittaient la campagne, une ombre les croisa, une rapide silhouette de femme qui disparut du côté des champs. Suzanne se retourna et dit :
— C’est Angélique !
Elle ajouta :
— Elle va, sans doute, cueillir des fleurs fraîches pour demain. Elle court toujours seule comme ça, la nuit.
Michel répondit les yeux à terre sans se retourner :
— Oui, c’est Angélique Charpon.
— Pauvre enfant, reprit Suzanne, elle a père et mère, et elle est plus orpheline que si elle était seule au monde.
— On ne devrait pas la laisser courir ainsi la nuit, murmura Michel ; elle est trop… Mais il s’interrompit, et tout le reste du chemin il garda le silence.
Sur le seuil de la fruiterie les Charpon, debout tous les deux, guettaient l’arrivée du voyageur. En voyant Suzanne saluer en passant, Michel souleva son chapeau sans relever la tête.
Un bruit de rire à peine déguisé éclata aussitôt accompagnant fidèlement les efforts de Suzanne à introduire la clé dans la serrure. Sa main tremblait si fort qu’elle n’y parvenait pas. Elle frémissait d'indignation et d’irritation, sentant bien que cette fois Michel ne pouvait pas ignorer l’agressive mal-