— Si ta as quelque chose sur le cœur, quelque chose qui te pèse, et qui soit de nature à être confié à quelqu’un sur la terre, dis-le moi.
Il tarda quelques secondes à répondre, puis il dit :
— Je n’ai que l’ordinaire lutte de chacun contre le mal natif, tante Suzanne. Ne vous inquiétez pas à mon sujet, surtout maintenant que j’ai six semaines à vivre ici, avec vous, au milieu de nos champs et de nos forêts. Il me semble que je retrouve un peu de mon âme d’enfant accrochée à tous les buissons.
Suzanne resta de nouveau silencieuse. Jusque dans la joie de Michel à se sentir de retour dans son lieu natal, elle trouvait l’écho d’une tristesse cachée. Pour la première fois depuis qu’elle avait adopté le fils de Valentin, elle se souvenait nettement de l’ancienne répulsion du jeune garçon à rentrer autrefois au séminaire. Pendant les quatre années qui avaient suivi la mort de son père, il n’avait plus rien laissé soupçonner de cette répugnance et Suzanne, dans sa satisfaction de le voir embrasser une carrière qui le lui laisserait tout entier, avait aidé sa propre mémoire à oublier, Maintenant c’était une affaire faite, irréparable ; seulement la joie qu’elle éprouvait tout à l’heure en venant à sa rencontre le cœur plein de projets d’avenir, s’était évanouie brusquement. Il lui semblait qu’ils marchaient tous les deux dans une ombre froide où leur silence même devenait pesant.
Ce ne fut que lorsqu’ils aperçurent la première lumière de la ville brillant derrière une fenêtre que Su-