matin pour la campagne et, sur l’ancien territoire de Valenlin, elle alla butiner une brassée de fleurs fraîches dont elle bourra tous les verres de son ménage. Son ancien amour pour Valentin et sa tendresse maternelle pour son fils se combinaient de plus en plus dans un sentiment exquis, qui dorait ses souvenirs de jeunesse. Elle n’avait pas du tout l’impression amère d’avoir traversé la vie sans expérience personnelle des joies de l’amour et de la maternité. Elle avait été amante et mère comme les autres femmes et on l’eût fort étonnée en lui rappelant qu’elle avait jadis, — il n’y avait pas bien longtemps, — chicané dans sa mémoire l’amour-propre de Valentin au sujet de l’avenir de son fils. Faire de Michel autre chose qu’un prêtre, l’asservir à des maîtres, comme un manœuvre à la tâche, elle eût été stupéfaite d’avoir pu y songer.
Michel devait arriver dans la soirée. Entre la dernière gare et la petite ville escarpée, sise dans une contrée montagneuse, au milieu de champs et de forêts, il avait un trajet d’une heure à faire à pied. Suzanne, selon son habitude, partit à sa rencontre et comme elle se trouvait en retard, elle prit une coupure à travers champs pour atteindre plus vite la route que devait prendre Michel. Ce raccourci la faisait côtoyer le cimetière où Valentin dormait depuis cinq ans au milieu de rêves inconnus. Elle passa sans entrer. Elle avait dans ce moment le cœur trop plein de joie pour pénétrer dans ce lieu de larmes ; elle passa vite, avec sur le front comme une rougeur de honte de se sentir