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fausse route

une rougeur si chaude courut qu’elle rejeta derrière elle le châle qu’elle avait mis à la hâte sur ses épaules avant d’ouvrir la fenêtre.


III


Quatre ans s’étaient écoulés sans incidents. Michel était revenu passer toutes ses vacances chez Suzanne, sans plus jamais manifester, depuis qu’il était dépendant de cette étrangère, l’antipathie que plus d’une fois jadis il avait laissé voir pour la vocation choisie par son père.

Il était devenu un grand garçon, fort d’épaules et bien membré, avec des mains blanches, affinées et longues, des mains qui ne connaissaient ni l’outil, ni la peine, ni le contact de la rude terre de labours.

Jamais Suzanne n’avait regretté une seconde l’élan qui l’avait poussée à accepter le rôle qu’on lui avait presque imposé. En même temps qu’un amour de mère, elle éprouvait pour Michel, futur serviteur de l’église, un respect presque craintif. S’il n’avait pas son sang dans les veines, il était son œuvre selon l’esprit. Lorsqu’elle sortait à son bras, dès qu’elle était à l’abri de l’œil moqueur et du persiflage à peine dé-