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un coin d’hôpital

Et d’une main prompte remettant la tête sur la pile des oreillers entassés, il ajouta sourdement :

— Cela vaut mieux ainsi !… À ce soir, petit Paul.

Et il s’en alla vite à travers la salle complètement déserte. En prévision du prochain passage du médecin, tous les convalescents assez valides pour traîner à leurs pieds, encore lourds ou incertains, les babouches de laine moelleuse s’étaient massés près d’une fenêtre ; leur groupe silencieux et inoccupé restait là, à l’abri.

Dans le corridor vaste et clair, la sœur, en attendant de pouvoir rentrer sans danger, parlait et riait avec une visiteuse de passage, quelqu’un du dehors… une inutile.

Les épais sourcils noirs du docteur accoutumés à se rapprocher, se touchèrent :

— Morbleu…

Mais il s’arrêta, comprima l’élan de colère, éteignit le timbre violent et ajouta d’un ton bas et rapide :

— Le numéro sept, s’il vous plaît ; des soins, de la bonté. Il ne passera pas la nuit.

Et, enfilant un corridor de traverse, il disparut emportant dans son oreille l’écho encore très distinct de la petite phrase courte qui, un instant, avait éveillé en lui l’image de la mère blonde, douce et fanée, en même temps que l’âme enfantine d’antan : « Je m’appelle Paul. »