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un coin d’hôpital

Et dans le lointain brumeux du passé, il revit tout à coup des jours aux teintes mortes, des jours où, lui aussi, il disait : « Je m’appelle Paul. » En même temps une figure blanche de blonde fatiguée se détacha de ce monde effacé, et toute la lumière du dedans se concentra sur cette forme languissante. Il revit la silhouette silencieuse de sa mère aller et venir dans sa vie d’autrefois mettant autour de l’éclosion de son enfance, de la lumière, de la chaleur, du soleil. Depuis qu’une main légère et douce avait cessé de l’endiguer, la brusquerie un peu brutale qu’il devait à la nature et à son père, avait envahi librement un espace complaisant, ouvert et vide. La valeur du rôle joué sur la scène du passé par une femme disparue, lui apparut dans un éclair de souvenir et brusquement la pensée de tous les souffreteux à babouches de feutre s’éparpillant à son entrée lui toucha le cœur à une place souvent meurtrie. Il se pencha sur le petit condamné, que la mort avide guettait, et il l’interrogea, la voix basse et douce :

— Qui t’a amené ici ? La maman ?

L’enfant secoua la tête sans répondre.

— Le papa ?

Un petit frisson écarta les lèvres blanches, mais elles restèrent muettes.

— Morts tous les deux ?… Non… Partis ?

Les petites épaules sèches se soulevèrent de nouveau très légèrement et, du pouce, le petit garçon indiqua derrière son épaule l’agglomération de bâti-