Page:Pradez - Les Ignorés.djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.


UN COIN D’HÔPITAL




Le docteur écartant du lit tout le monde, même la sœur qui arrangeait les oreillers d’une main nerveuse, s’approcha, bourru et brusque. Trois fois pendant la nuit, réveillé en sursaut, il avait dû se lever à la hâte et tendre subitement tous ses nerfs dans une attention inflexible. Au diable le sommeil, le repos, la douce tiédeur des draps, l’apaisante inaction de la nuit.

En sortant pour la quatrième fois de son lit, ce matin-là, tout étourdi de fatigue, il avait invectivé son métier d’esclave avec de gros mots colères ; en même temps une rancune lui avait saisi l’âme, une sourde rancune s’étendant confusément à toute l’échelle des êtres créés, de ces misérables vers, qui se traînent un jour sur la croûte terrestre pour s’abîmer demain dans la poussières et qu’il faut, pendant cet espace d’heures si court, veiller, cisailler, soigner. À quoi bon ?