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rement ; elle perdit le souvenir de toutes les petites irritations incompréhensibles qu’elle sentait aller et venir dans l’air de la maison, et que, selon son habitude réfléchie, elle laissait s’éteindre dans le silence. Elle ne pensa plus qu’à regarder rire l’enfant de son rire de bébé extasié de joie.

Quand Madru rentra ce jour-là pour dîner, son visage sérieux était plus sombre et plus soucieux qu’au départ. Pour la première fois depuis qu’ils étaient ensemble, Piché avait fait une observation au sujet de l’arrivée tardive de son associé, et Madru, pour se mettre à couvert, avait été forcé de faire allusion à ses ennuis de famille, aux difficultés imprévues menaçant, dans le domaine pécuniaire, ses affaires privées. Il attendait de Russie, au sujet de la débâcle X., des nouvelles qui tardaient indéfiniment. Il serait, du reste, fixé très prochainement, et il pouvait s’engager à être à son poste le lendemain à l’heure ordinaire. Désormais, il quitterait la maison sans attendre le courrier de l’étranger. À son entrée chez lui, il jeta d’abord sur la grand’mère un regard mécontent comme si elle était responsable de l’humiliante remarque faite par Piché, puis il interrogea de l’œil Violette dont l’attitude, dépourvue de signification, le laissait indécis. Elle lui fit, à moitié cachée derrière le gros bébé, un imperceptible signe d’ignorance et, tout de suite, cela le décida :

— Vous avez eu de bonnes nouvelles de là-bas, grand’maman ? interrogea-t-il.