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les ignorés

— Toi… mon pauvre enfant… mon pauvre enfant… toi… ?

Jean se sentit gêné. Il n’avait pas entendu une syllabe des paroles murmurées par le docteur, mais dans le brouillard il voyait luire des prunelles qui lui semblaient plus humides qu’à l’ordinaire. Cela l’embarrassait.

— Cela ne vaut pas la peine d’en parler, balbutia-t-il. Cela me fait honte que vous en parliez, vrai, M. le docteur.


Le lendemain matin, dès que Benoîte aperçut son maître, elle s’informa :

— Et ils vous ont laissé traverser seul la forêt par ce brouillard ?

— Non, Benoîte, non, Jean m’a accompagné.

— Jean le sourd ?

— Oui, Jean le sourd.

Il y eut un court silence, puis le docteur ajouta rêveur :

— Il y a sourd et sourd.

Il ne s’expliqua pas davantage et Benoîte ne sut jamais la différence subtile qu’il y avait entre un sourd et un sourd. Elle ne devina jamais non plus ce qu’une petite fleur rare trouvée par hasard la nuit, dans l’ombre d’une forêt, avait infusé à son maître de courage, de patience et d’énergie nouvelle.