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thérèse

croyait plus aux choses qu’on lui disait, et ça la fâchait comme si elle voyait toujours par-dessous des intentions de pitié. Mais moi, depuis tout petit, je l’avais toujours aimée la même chose, sauf qu’après sa maladie cela me faisait trop de peine de la regarder et que pendant quelque temps je m’étais tenu à l’écart. Alors elle avait cru, sans doute, que je l’évitais ainsi pour tout de bon, et elle était devenue toute changée, et si froide pour moi que je n’osais plus lui parler de rien.

« Et quelque temps après le retour de celui-ci, la sœur cadette de la Thérèse s’établit, et les vieux lui donnèrent de quoi se mettre en ménage, et le reste fut placé à la banque. Et, pour ne pas être injuste envers la Thérèse, on lui donna la même part, en même temps. C’est à partir de ce moment-là que celui-ci se mit à rôder autour d’elle. Et un dimanche qu’on causait avec les autres sur le banc de l’église, il me dit tout à coup sans m’avertir :

« — Il n’y a pas à dire, elle n’est pas mal, cette Thérèse.

« — Depuis quand ? » lui dis-je, car jusque-là il s’était toujours tenu à l’écart d’elle et s’en était plutôt moqué.

« Et comme nous nous regardions tous les deux, il comprit pour sûr mon idée, car il se leva et s’en alla.

« Et quand je vis que la Thérèse prêtait l’oreille aux discours de celui-ci, je l’avertis. Mais elle ne voulut pas m’écouter. Il y avait sur son cœur une vieille ran-