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le garde-voie

lui avait préparé une tâche. Elle lui ordonnait de vivre pour son fils. C’était une existence nouvelle qu’il fallait commencer, terne et pesante, une longue suite de jours sans joie, remplis d’un effort, peut-être inutile, pour arracher une proie au vice et au crime ; c’était le sacrifice de sa colère et de sa rancune.

Sa tendresse paternelle, jadis si ardente, restait sourde et engourdie au fond de son cœur.

Il alla retomber à la place qu’il venait de quitter dans la ferme intention de fuir la solitude glacée où Catherine l’avait abandonné, et il s’écria douloureusement :

— Catherine… Catherine, si au moins tu m’avais aimé jusqu’à la fin comme au commencement !

Et il cacha sa figure entre ses deux mains, mais ses yeux restaient secs ; il ne pouvait pas pleurer. À la voix de Jérôme, le chien avait bondi jusqu’à son maître. Il lui balayait les mains et la figure de sa langue satinée. Depuis la brusque sortie de Jérôme au moment du passage du train, l’animal avait cessé ses recherches ; il s’était assis en face de Jérôme, surveillant tous ses mouvements.

Ainsi que Catherine l’avait fait le soir où elle était restée seule, livrée à l’angoisse d’une attente pleine de menaces, Jérôme découvrit son visage et regarda le chien.

Oh ! comme Catherine avait aimé ce fidèle compagnon de son épreuve ! Jérôme revoyait les caresses de sa femme, ses attitudes, ses soins pour cette bête asso-