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les ignorés

Jérôme, les bras ouverts, les yeux fermés, attendait debout, sans bouger. Ses lèvres entr’ouvertes murmuraient :

— Catherine… Catherine…

Tout à coup au milieu du bruit de la pluie, du grondement des roues, des aboiements furieux du chien, du sang qui lui martellait les tempes, Jérôme crut entendre, tout près de lui, deux mots qui se détachaient, brefs et clairs, du vacarme étourdissant ; cela sonnait dans sa tête comme un bruit tout proche de fanfare :

— Promets-moi… promets-moi…

Au même instant, fendant la nuit, le train passa comme un éclair et s’enfuit à travers la pluie.

Jérôme debout à côté de la voie, le front inondé d’une sueur froide, acheva les dents serrées :

— … que tu vivras jusqu’à ce que tu l’aies revu.

Il continua sans reprendre haleine :

— C’est ta chair, c’est ton sang, c’est une partie de ton âme !

Et à pas lents il rentra dans le domicile où, à tour de rôle, il avait connu, à côté de Catherine, le bonheur et le désespoir.

À travers la ruine de ses joies, il entrevoyait confusément autre chose que sa douleur, une raison de vivre que Catherine lui imposait comme un devoir. Il murmura à plusieurs reprises d’une voix étouffée :

— Sauve ton fils… sauve ton fils…

Comme Catherine avait bien deviné la lâcheté qui le terrasserait en face d’une vie sans elle ! Sa sollicitude