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le garde-voie

puis le jour où Catherine l’avait aimé jusqu’à celui où Jules l’avait faussement accusée. Arrivé à ce point, il s’arrêtait et recommençait comme si le reste n’existait plus ou que sciemment il évitât d’y arrêter sa pensée.

Et tic tac… tic tac… les secondes continuaient à s’enfuir en emportant les minutes. L’heure aussi passait.

De temps en temps, Jérôme levait la tête et, attentif, il écoutait dans la nuit pluvieuse, mais l’eau qui continuait à tomber lourdement et les gémissements continuels du chien lui remplissaient les oreilles d’une rumeur trop proche pour distinguer un son à distance.

Une sorte de calme pesant lui était venu. Il murmura :

— Quand j’entendrai siffler…

Et il se remit à penser à sa vie heureuse du temps où Catherine l’aimait.

Tout à coup un son aigu perça les ténèbres, comme un cri d’appel.

Jérôme se leva d’un bond et se précipita dehors.

L’œil rouge de la locomotive avançait dans la nuit avec une vertigineuse rapidité. Le dernier coude tourné, le train accourait comme un monstre avide et cruel traînant derrière lui sa courte queue enflammée.

Encore quelques secondes et cette misère humaine que rien ne pourrait consoler, serait guérie, détruite, anéantie.