elle venait de Catherine. D’une façon indéfinissable, mais certaine, Catherine avait changé. Lorsque Jérôme rencontrait son regard, elle ne le détournait pas, mais il n’y voyait plus les mêmes choses qu’autrefois et cette différence le poignait, le déchirait, lui rendait fidèlement les souffrances qu’il avait lui-même infligées naguère à sa femme. Sans s’apercevoir de sa figure flétrie, il s’était remis à l’aimer aussi ardemment que dans les jours disparus, où, bravant tous les obstacles, il l’avait voulue et épousée ; il éprouvait à côté d’elle une frayeur de tout jeune garçon qui n’a jamais parlé d’amour.
Ils ne se disaient presque rien, comme si le long silence où ils avaient vécu fût devenu une habitude impossible à briser, que le pli de tant d’heures écoulées fût désormais ineffaçable ou que le désaccord latent de leur pensée leur fût constamment sensible.
Un jour enfin Jérôme se décida à secouer le poids de cet éternel silence qui l’étouffait. En rentrant d’une de ses tournées d’inspection, encore tout imprégné d’air frais et stimulé par la rapidité de sa course, il s’approcha de Catherine.
Il faisait encore grand jour et la figure blanche s’enfonçait dans l’oreiller, perdue dans un creux, toute petite. Jérôme prit entre ses deux mains cette tête amincie, chétive, osseuse, et il demanda tout bas :
— Est-ce que tu ne pourras jamais me pardonner ?
Une rougeur fugitive colora le visage de Catherine ; elle s’agita un moment comme si elle cherchait, sans