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le garde-voie

— Jérôme est-ce toi ?

Aussitôt l’ouverture s’agrandit, un homme se faufila à l’intérieur et referma vivement la porte derrière lui.

— Ah ! murmura une voix basse et étouffée, c’est bien ce que je croyais, mon père n’est pas ici. C’est ce chien du diable qui m’a fait peur.

Catherine, les lèvres blêmes, balbutia :

— Voilà ce que tu as fait… voilà ce que tu as fait…

Elle ajouta sans reprendre haleine :

— Tu m’as tuée, voilà ce que tu as fait.

Dans le jour mourant, elle distinguait très bien la haute taille droite, la membrure souple, la figure imberbe restée presque enfantine de son beau-fils, et, frémissante, elle regardait cet ouvrier de son malheur dont le premier mot n’exprimait ni regret, ni repentir. Toutes les espérances fondées sur cette rencontre lui échappaient brusquement. La présence de Jules, au lieu d’alléger son supplice, lui paraissait au contraire une source de nouvelles menaces. Elle reprit froidement :

— Viens-tu rapporter ce que tu as pris, où viens-tu achever ce que tu as commencé ? Qu’est-ce que tu viens faire ici ? Dis vite, je n’ai pas peur de toi.

— Vous êtes bien toujours la même, dit Jules, d’un ton agité. Vous ne pensez qu’à vous. Il n’y a que vos peines et vos joies qui comptent. Les autres peuvent se morfondre dans les difficultés, cela vous fait, ça.

Et il fit claquer le pouce et l’index d’un geste méprisant. Il reprit aussitôt du même ton inquiet.