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les ignorés

Et pour retenir le chien, elle avait passé son doigt à l’anneau d’acier. Il continuait de grogner sourdement, retroussant ses lèvres noires pour mettre à nu ses crocs méchants. Tout à coup, il fit un bond, échappa à Catherine et courut à la porte.

Catherine sauta vivement sur ses pieds et, chancelante, elle s’appuya au bois du lit. Au même instant la porte s’ouvrit. Jérôme entra. Il avait la figure rouge et échauffée. Il s’approcha de Catherine et, sur un ton d’ardente prière, il l’implora, le souffle court, haletant :

— Catherine, dis-moi que c’est toi !

Elle tressaillit jusqu’au cœur à ces paroles où l’amère et incurable douleur se trahissait tout haut, mais elle répondit sourdement :

— Ce n’est pas moi.

Sans la regarder, Jérôme siffla le chien et sortit. Aussitôt dehors, l’animal jeta un aboiement strident qui s’acheva dans un cri bref, puis Catherine n’entendit plus rien. Elle resta appuyée à son lit, regardant dehors le ciel morne qui s’éteignait de plus en plus. Elle avait les joues en feu, les membres glacés et, dans les oreilles, un bruit de tambour mêlé à une rumeur de cascade lointaine. Ses tempes battaient la mesure, une mesure sèche et précipitée.

Une heure passa lentement, toute une heure d’attente immobile et silencieuse, et le crépuscule acheva d’envelopper la campagne. Tout à coup le long du châssis de la porte une fente de lumière se dessina. Catherine poussa un cri sourd :