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le garde-voie

aiguillon acéré sans que ce changement lui donnât de la joie.

Tout à coup, arrachée à ce sommeil léger et incomplet, elle sursauta sur son lit. Près de la porte, le chien aboyait d’une voix furieuse en découvrant toutes ses dents féroces. Surprise, Catherine s’assit sur son séant et elle appela l’animal d’une voix sourde :

— Ici.

Et comme il continuait d’aboyer malgré ses caresses, elle le frappa sur la tête pour la première fois de sa vie. Le chien, étonné, se tut. Il se coucha à plat ventre, les pattes de devant allongées dans une attitude d’attente agressive.

Le cœur de Catherine s’était mis à battre ; elle ne pouvait presque plus respirer et elle murmurait les dents serrées :

— Mon Dieu, mon Dieu… Si c’était lui… si c’était lui… enfin…

Longtemps l’espérance de voir le fils de Jérôme revenir à elle, pénitent, l’avait possédée, mais depuis des mois Catherine avait cessé de croire à ce repentir. Elle ne conservait plus que l’ardent désir de revoir un jour le jeune homme, face à face, de pouvoir une seule fois lui faire toucher du doigt son crime et lui crier tout haut son infamie.

Au sortir de son somme maladif, sa pensée flottante avait tout de suite pris une forme et un son. Elle balbutiait, affolée, l’oreille tendue :

— Jules… Jules…