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les ignorés

chien étaient presque toujours seuls vis-à-vis l’un de l’autre et cet isolement absolu que Catherine préférait autrefois à toute autre condition d’existence, lui était devenu d’une tristesse insupportable. Dès que l’express de l’après-midi avait passé avec son bruit sifflant, elle appelait le chien, et ils s’en allaient ensemble rôder dehors dans le voisinage.

Le mouvement et le grand air la calmait un peu. Elle considérait d’un œil rêveur la patience obstinée de la nature qui recommence éternellement le même travail sans se décourager. Les bruits confus et incessants de la campagne, les bouffées d’air tiède, imprégnées du parfum fort de la marjolaine et du thym sauvage, toutes les harmonies subtiles de la terre leurraient sa peine. Elle se reprenait à espérer un miracle, toujours le même et elle envoyait vers la coupole fermée du ciel une supplication muette, ardente. Oui, un jour viendrait où Jules se repentirait de sa mauvaise action. Un jour elle reverrait face à face le fils de Jérôme, et il saurait alors ce que sa faute avait entraîné de conséquences. Il verrait de ses yeux que ce n’était pas son bonheur, à elle seule, mais aussi celui de Jérôme que le poison de paroles menteuses avait détruit.

Dès que le soleil descendait du côté des grandes forêts, que Catherine voyait son ombre s’allonger indéfiniment sur la blancheur du chemin, elle retournait rapidement sur ses pas, fouettée par la crainte d’arriver en retard et de trouver Jérôme installé avant elle