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le garde-voie

Entre les époux liés par une si étroite intimité, il y eut quelques secondes d’absolu silence. Jérôme reprit enfin d’une voix basse et pressante :

— Oui, je te crois, Catherine, mais ne me fais pas attendre plus longtemps. Dis-moi ce que je te demande. Où est l’argent ? Où est l’argent ?

Catherine demeura un instant silencieuse, les grands yeux bleus effrayés fixés sur les vitres gelées qui cachaient l’étendue de neige où tout le jour l’empreinte des pas de Jules était restée visible. Elle revoyait distinctement le jeune homme, souple et léger, bondir sous la claire lumière de la lune, en emportant son butin. Elle dit enfin, les dents serrées :

— C’est toi qui m’y force,… c’est toi.

Et, d’une voix rapide et basse, elle continua :

— Puisque tu veux absolument savoir où est ton argent, que c’est moi que tu accuses dans ton cœur, que tu ne me crois plus, va le demander à… à… ton fils. Lui seul…

Sans la laisser achever, comme si la proximité de cette femme tant aimée le brûlait tout à coup à vif, Jérôme la repoussa d’un geste énergique. En même temps des syllabes heurtées sifflèrent entre ses dents disjointes :

— Tu oses… tu oses ! La malheureuse, la malheureuse !…

Mais presque aussitôt sa colère s’anéantit dans l’intensité de sa douleur. Il se mit à pleurer entre ses mains avec des soubresauts violents. Depuis si long-