Page:Pradez - Les Ignorés.djvu/152

Cette page a été validée par deux contributeurs.
146
les ignorés

tion de l’argent, qu’elle ne pouvait pourtant pas ignorer, sa visible inquiétude lorsqu’il s’était agi de toucher à la boîte ; tout cela se coordonnait, se consolidait, formait un ensemble si suivi que Jérôme, torturé, répéta sa question en la soulignant d’insistance :

— Où est allé l’argent, Catherine ? Je ne demande rien d’autre, mais, cela, dis-le moi. J’ai eu une autre femme avant toi. Elle me trompait de toutes les manières. J’ai souffert dix années avec elle, sans me plaindre à personne, dix longues années sans un jour de repos, et, maintenant, enfin, j’étais heureux avec toi ; si heureux ! Dis-moi seulement, où est allé cet argent, et je te croirai comme si la Madone, elle-même, descendait de l’autel pour me parler. Dis-moi seulement cela. Si tu l’as donné à ton père pour qu’il s’en aille et ne vienne plus jamais nous tourmenter par ici, dis-le. Pourquoi as-tu peur de le dire ? Est-ce que je ne t’aime pas plus que tout au monde ! Est-ce que ce qui est à moi, n’est pas à toi ? Mais je ne pourrais plus t’aimer comme autrefois avec ce secret entre nous. C’est ça qui me fait peur, c’est que je ne pourrais plus t’aimer tout entière comme autrefois.

— Je n’ai pas pris ton argent, balbutia Catherine, frémissante. Moi, te voler ! Je ne savais pas même ce qu’elle contenait, cette boite ! Pour personne au monde, pour personne, entends-tu, je n’y aurais touché. Est-il possible que du jour au lendemain tu ne puisses plus me croire ?