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le garde-voie

que coûte quelques heures calmes pour se décider, choisir son chemin. Elle répétait :

— Pas ce soir… pas ce soir…

Et sa mortelle inquiétude se montrait à nu sans aucune précaution.

Jérôme s’arrêta surpris, il plongea dans les yeux de Catherine un regard aigu, et il murmura d’un ton sourd :

— Catherine !

En même temps, employant sa force brutale, il l’entraîna du côté de l’armoire.

De la main droite, comme Jules, l’avait fait pendant la nuit, il bouleversait la pile de linge ; il fouillait son propre bien avec la même hâte fiévreuse, éparpillant la toile propre remise en ordre, le matin, par Catherine.

Quand il posa la main sur la boîte, qu’il sentit sous ses doigts le froid du métal, il resta un instant immobile. Son impatience semblait se calmer, comme si la présence de cette boîte à sa place accoutumée détendait son anxiété.

Catherine avait cessé de résister. Elle se taisait. L’auréole de ses cheveux clairs accentuait sa pâleur de cire et, passive, elle attendait, les yeux mi-clos, la minute décisive, qui allait la forcer d’agir. Elle attendait, sans autre projet défini dans l’esprit que celui de se disculper en évitant, si possible, de trahir Jules. Toutes les cordes de sa volonté et de son amour se tendaient dans un suprême effort.