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le garde-voie

— Dis-moi ce qui en est, toi, Catherine. Est-ce vrai qu’il est revenu ? Dis-le moi sans avoir peur que cela me fâche. Tu sais bien que je t’aime plus que tout au monde. Peut-être qu’il a besoin d’argent, il faut lui en donner. Est-ce que tu ne peux pas lui donner ce que tu veux sans me demander ? Mais pourquoi me laisser apprendre ça par ces sales langues de serpent au lieu de…

— On t’a menti, balbutia enfin Catherine blême, on t’a menti indignement et, toi, tout de suite, tu l’as cru.

Et elle pressentit tout à coup la vérité. C’était elle que Jules avait accusée d’avoir pris l’argent. L’histoire qu’il avait inventée pour se sauver en essayant de la perdre, c’était ça. Et pour rendre cette fable acceptable à Jérôme, il avait imaginé froidement le retour du malheureux disparu, le seul fait que sa vie de femme pure et solitaire permettait de supposer. Le soupçon éveillé de Jérôme, lui entrait plus avant dans le cœur que toutes les souffrances accumulées de sa longue jeunesse.

Elle répéta douloureusement :

— Et toi, tu l’as cru !

Jérôme l’attira brusquement à lui :

— Non, dit-il, je ne l’ai pas cru.

Et il la baisa coup sur coup sur les yeux, sur le front, sur la bouche ; il promenait ses lèvres sur ce visage décoloré avec un emportement presque brutal.

— Te soupçonner, toi, Catherine, de me cacher ce que tu fais ! Est-ce depuis hier que je te connais ?