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le garde-voie

— Non… non… Je veux savoir ce que tu as, tu n’es pas comme à l’ordinaire. Je veux savoir d’abord ce que tu as. On t’a dit, là-bas, des choses qui te tourmentent. Qu’est-ce que c’est ?

Il continuait à la tenir serrée, emprisonnée dans ses bras et son souffle pressé lui balayait la figure. Il dit enfin tout bas :

— Catherine, ma Catherine !

Et comme si ce mot eût suffi à rétablir l’équilibre de son esprit surexcité, il ajouta du même ton bas, sans cesser de la tenir pressée contre lui :

— Tu n’as pas besoin d’avoir peur de ce que les gens disent. N’y a-t-il pas quatre ans que nous sommes ensemble ? Est-ce que je ne sais pas bien aujourd’hui ce que j’ai fait en te prenant ? Aussi longtemps que je vivrai, personne ne te touchera, n’aie pas peur.

Catherine balbutia faiblement :

— Peur de quoi ?

Et sentant glisser de nouveau sous sa peau de blonde, une pâleur insolite et glacée, elle étendit la main vers la table où la lanterne allumée lui jetait en plein visage l’éclat réverbéré de sa flamme. Le rayon lumineux alla brusquement frapper le chien. Abandonné à lui-même, l’animal étranger furetait dans les coins avec de longs reniflements à ras du sol. L’éclat du feu lui passa devant les yeux comme un éclair. Il lança un aboiement strident et prolongé.

Jérôme et Catherine se séparèrent brusquement. Accoutumés au silence et à la solitude absolus de cette