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les ignorés

l’amour, la pitié et l’horreur s’alliaient indistinctement.

Ils marchèrent quelques secondes en silence, côte à côte, sans se regarder. Ce fut Jérôme qui reprit le premier la parole. Il dit brièvement :

— Il y a du nouveau là-bas.

Catherine tressaillit. Quelle part de la vérité Jules avait-il avouée à son père, et de quels mensonges avait-il enveloppé le reste ? Elle articula sourdement :

— Du nouveau ? Quoi donc ? Est-ce ton fils…

En parlant, elle avait relevé sa tête baissée. Ses yeux effrayés rencontrèrent le regard de Jérôme, un regard profond, si plein de passion qu’une autre émotion que celle de la peur fit aussitôt battre son cœur.

Jusqu’à ce qu’ils fussent enfermés entre les quatre murs de leur maisonnette, ni Jérôme, ni elle ne prononcèrent plus une parole, mais à peine la porte se fut-elle close sur la campagne solitaire et muette, que Jérôme saisit sa femme dans ses bras. Il la serra dans un élan si brutal, qu’effrayée elle se débattit : elle se raidissait essayant de se dégager :

— Non… Jérôme, non. Qu’est-ce que tu as ? qu’est-ce que tu as ? Réponds-moi d’abord.

Jamais elle n’avait vu son mari aussi violent dans ses démonstrations et ce nouveau l’inquiétait comme une menace. Ne s’emparait-il pas d’elle comme s’il avait cru pouvoir la perdre ? De nouvelles et obscures appréhensions surgissaient dans son esprit tendu. Elle continuait de protester sourdement :