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les ignorés

Elle rit un moment d’un rire clair comme si elle voyait, dans la question de Jérôme, une de ces plaisanteries sans malice, familières à leur long tête à tête, puis elle se calma subitement et dit sérieuse :

— Qu’est-ce que j’aurais ? Rien. C’est le froid qui m’a saisie. Un froid pareil, ça saisit, ça pique la peau. On serait mieux dedans, près du feu. Ce qui est passé est passé. À quoi bon se geler le sang pour rien ? Il vaut mieux rentrer.

Du doigt, Jérôme indiqua l’empreinte profonde des pas de Jules sur la neige :

— Je veux d’abord aller voir de près ce que c’est que ça, mais j’irai seul. Jamais je ne t’ai vu cette couleur-là. Tu es plus blanche qu’un cierge d’église.

En même temps, il posait sur Catherine un regard expressif, un de ces longs regards qui remuaient en elle, jusqu’au fond, les sources mystérieuses de la joie. Dans ce moment d’angoisse, elle était incapable d’y répondre. Se sentant plus effrayée tout à coup d’accompagner Jérôme que de le laisser seul poursuivre ses recherches, elle se détourna et dit simplement :

— Oui, moi, je rentre ; j’ai trop froid.

Et elle retourna rapidement sur ses pas. Une fois en sûreté derrière la porte fermée de sa maisonnette, elle murmura :

— Est-ce que cela va toujours durer ainsi ? C’est impossible. Je ne pourrais pas.

Et se plaçant devant la glace où, tous les jours,