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le garde-voie

Jules reprit d’un ton moins agressif :

— Je n’ai pas dit ça pour vous offenser, non, vrai. Mais je m’attendais à vous trouver plus complaisante pour moi qui, malgré ce que je savais, vous ai toujours bien traitée. Vous me voyez malheureux à devenir fou, et vous allumez du feu en me disant : « Sèche-toi. »

Et il se remit à rire de son rire forcé et strident, mais il s’arrêta net et reprit :

— Au lieu de chercher à m’aider, vous me dites que je joue. Moi ! jouer !

Sa figure s’assombrit de nouveau et elle redevint menaçante. Cependant il resta longtemps silencieux comme s’il espérait que la pitié de sa belle-mère, en s’éveillant tout à fait, lui épargnerait la vilenie d’un acte brutal. Mais Catherine, très pâle, sous son abondante chevelure blonde et frisée, restait impassible. Elle était allée se rasseoir à côté du feu, elle regardait la flamme se tordre et se déchirer, tandis que le jeune homme, l’œil mauvais, la considérait avec attention. La voyant se détourner de lui avec obstination, à bout de patience, à la fin, il se leva résolu. Il s’approcha d’elle sans bruit et balbutia d’une voix étouffée :

— C’est vous qui m’y forcez, oui, c’est vous !

En même temps, avant que Catherine eût le temps de prévoir son intention, il lui saisit le poignet, l’enferma dans sa main forte et, les dents serrées d’émotion, lui souffla au visage :

— Je ne veux pas le voler, moi, entendez-vous… je