Page:Pradez - Les Ignorés.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.
108
les ignorés

centué d’une grande horloge de bois qui marquait les heures sans les sonner. Elle avait l’impression que son sommeil avait été très bref, mais, quand on dort, les minutes s’accumulent sans qu’on s’en doute. Ne pouvant pas, de son lit, voir le cadran de l’horloge, elle se leva, s’habilla sommairement avec l’intention de refaire le feu de manière à ce qu’il durât jusqu’au matin, et, tout d’abord, elle se dirigea vers l’horloge.

Une heure ! Il était une heure, pas davantage ! Le grand express de la nuit allait passer. En effet, presque aussitôt, un sifflement se fit entendre, un sifflement aigu qui déchira l’air comme un cri, puis le roulement sourd s’approcha, gronda, frôla la maisonnette, la secoua sur ses assises peu profondes avec un fracas de tonnerre. Les murs, les vitres, les meubles, tout trembla, puis le vacarme s’éteignit dans la distance.

Catherine s’était approchée de la fenêtre pour voir passer le train. Elle l’avait regardé se dérouler avec la souplesse d’un serpent au contour de la voie, se précipiter ensuite vers elle à travers la campagne comme s’il voulait la dévorer, puis passer inoffensif à côté de sa porte. Les vitres étaient si obscurcies par leur voile de glace qu’elle n’aperçut qu’indistinctement la lueur rousse des compartiments éclairés, mais l’œil rouge de la locomotive, au milieu de l’éblouissante pureté de la neige, avait une couleur de sang plus prononcée qu’à l’ordinaire. Elle resta un moment le front collé à la vitre, regardant dans la direction où avait disparu le train. Comme elle, Jérôme allait le