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choses du sentiment lui semblaient sacrées. Cela lui faisait mal de les voir servir de passe-temps et d’entendre cette profanation confessée sans honte. Elle avait, dans sa vie d’isolement, tant médité sur la conséquence des actes mauvais que des craintes sourdes s’éveillaient en elle, lorsqu’elle entendait cette vantardise malsaine sortir de lèvres encore presque imberbes. Cela lui faisait d’autant plus mal que, pour faire parade de ses peccadilles, Jules choisissait toujours les moments où son père n’était pas présent, forçant ainsi Catherine à une sorte de complicité involontaire.

Pourtant elle aimait le jeune garçon, sa gaîté, sa vivacité, son courage au travail, et elle voyait bien que le bon vouloir qu’elle montrait au fils agréait au père. Très souvent, quand le jeune homme était parti, elle percevait dans l’œil noir de Jérôme, sous l’arc épais des sourcils ébouriffés, un rayon satisfait. Cette lumière luisait longtemps comme un flambeau alimenté par une substance invisible.

Jalouser l’enfant de Jérôme de la part d’amour que son père lui donnait, elle n’y avait jamais pensé, mais parfois son cœur se serrait en rapprochant la confiance tendre et aveugle du père de la légèreté souple et rusée du jeune garçon. Plusieurs fois, sous la poussée de ce vague malaise, elle avait ouvert la bouche pour parler à Jérôme de son fils. Mais les paroles qui lui venaient sur les lèvres avaient, en l’absence de Jules, un mauvais son de médisance, et elle les avait rava-