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si violents, si cruels que Catherine, tremblante, lui avoua ses raisons. Un honnête homme ne pouvait pas épouser la fille d’un voleur. Tôt ou tard ce souvenir le brûlerait. S’il avait des enfants, il leur chercherait dans le visage la trace de ce péché, et les petits innocents pâtiraient pour le passé, comme elle-même l’avait fait : depuis le jour de son malheur. La famille de Jérôme ne voulait pas d’elle, et puis il avait son fils, déjà un homme, que ce lien de parentage déshonorerait. Tous les jours, dans la rue, quand elle passait sans regarder personne, les enfants lui criaient : « Hou, hou… la voleuse ! » C’était une honte, ça ! Il fallait être raisonnable et se soumettre, puisqu’on ne pouvait pas échapper à son sort. En tentant de s’y soustraire, elle n’avait fait que déchaîner contre elle des paroles brutales et amener au jour une méchanceté qu’elle ne soupçonnait pas. Jamais, jusque-là, personne n’avait eu l’idée de l’insulter. Elle ne pourrait pas se faire à l’outrage du monde, s’il fallait l’entendre siffler à ses oreilles tous les jours, et cela même de la bouche des petits enfants.

Jérôme écouta le long discours amer en silence, puis il se leva, sans rien dire, et sortit. Elle le laissa s’en aller sans le retenir, mais tout le reste de la journée elle pleura, avec une grande déchirure au cœur, comme si, en dépit de ses paroles et de sa raison, en dépit de sa volonté et de sa soumission, elle avait espéré autre chose.

Malgré la résistance de sa fierté, qui ne voulait pas