sa route, elle n’avait pas connu une heure de véritable joie. La brûlure d’une tare était restée vivace sur son front au travers des longues années de sa jeunesse, et, tandis que ses mains travailleuses abattaient l’ouvrage, son esprit, demeuré libre de songer, ruminait sans cesse sur l’opprobre attaché à sa vie. Elle le portait dans son cœur comme un péché personnel, tant la honte lui en demeurait sensible et constante. Jamais aucun des plaisirs des jeunes filles de son âge ne l’avait tentée ; elle s’en écartait en frissonnant, pour vivre d’une vie renfermée et sauvage où les affronts du dehors ne pouvaient pas l’atteindre.
Peu à peu pourtant, le souvenir du scandale s’était effacé des mémoires, et, sans se mêler davantage aux causeries et aux divertissements des autres, Catherine avait eu des heures de songerie moins amère ; cependant elle n’attendait rien de l’existence, et les jours vécus s’en allaient grossir, derrière elle, la somme des années sans qu’elle s’en inquiétât. Elle se croyait vieille, tant le temps lui avait semblé lent et lourd à traîner, quand Jérôme vint tout à coup briser le cercle d’isolement où elle s’enfermait. Ce fut si brusque, l’irruption de cette joie dans sa vie, cette surprise d’amour qui lui tombait des étoiles, qu’avant d’avoir eu le temps de se reconnaître, elle en fut grisée à fond. Son cœur et son sang réveillés en même temps frémirent de vie, de jeunesse ; elle tendit vers le bonheur inespéré deux mains avides.
Mais à peine avait-elle entrevu l’aube de cette exis-