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lui devint insupportable. Elle la congédia :

— Je n’ai plus besoin de rien pour le moment, merci. Je vous rappellerai.

Dès qu’elle fut seule, elle repoussa son assiette et s’accouda, le menton dans la main.

Il faisait encore jour, elle voyait par la fenêtre le bleu pâlissant du ciel. C’était la fin d’une belle journée d’été, et des bouffées d’air tiède venaient jusqu’à elle, mais l’odeur du seringa la poursuivait toujours. Elle croyait sentir tout près d’elle l’émanation violente de cette fleur qu’elle détestait. Pour la fuir, elle se leva et marcha dans la chambre. Un désordre d’idées inachevées tourbillonnait dans sa tête, et, par moment, au milieu d’un chaos de suppositions informes, invraisemblables, elle voyait très loin, dans une brusque échappée de lumière, très loin comme un tableau perdu au fond d’immenses distances, l’image amoindrie et flétrie de sa mère. Elle la voyait debout dans sa robe noire, disant d’un air effrayé :

« Reste encore un peu. »