qu’à présent de te faire porter la croix de Malte, mais je vois que tes inclinations ne sont point tournées de ce côté-là. Tu aimes les jolies femmes ; je suis d’avis de t’en chercher une qui te plaise. Explique-moi naturellement ce que tu penses là-dessus. »
Je lui répondis que je ne mettais plus de distinction entre les femmes, et qu’après le malheur qui venait de m’arriver, je les détestais toutes également. « Je t’en chercherai une, reprit mon père en souriant, qui ressemblera à Manon, et qui sera plus fidèle. — Ah ! si vous avez quelque bonté pour moi, lui dis-je, c’est elle qu’il me faut rendre. Soyez sûr, mon cher père, qu’elle ne m’a point trahi ; elle n’est pas capable d’une si noire et si cruelle lâcheté. C’est le perfide B*** qui nous trompe, vous, elle et moi. Si vous saviez combien elle est tendre et sincère, si vous la connaissiez, vous l’aimeriez vous-même. — Vous êtes un enfant, repartit mon père. Comment pouvez-vous vous aveugler jusqu’à ce point, après ce que je vous ai raconté d’elle ? C’est elle-même qui vous a livré à votre frère. Vous devriez oublier jusqu’à son nom, et profiter, si vous êtes sage, de l’indulgence que j’ai pour vous. »
Je reconnaissais trop clairement qu’il avait raison. C’était un mouvement involontaire qui me faisait prendre ainsi le parti de mon infidèle. « Hélas ! repris-je après un moment de silence, il n’est que trop vrai que je suis le malheureux objet de la plus lâche de toutes les perfidies. Oui, continuai-je en versant des larmes de dépit, je vois bien que je ne suis qu’un enfant. Ma crédulité ne leur coûtait guère à tromper. Mais je sais bien ce que j’ai