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de l’exercice, elles demeurent souvent suspendues. En est-ce réellement l’occasion ? sait-on bien qu’elle en doit être la mesure ? ne se trompe-t-on point sur l’objet ?

Cent difficultés arrêtent : on craint de devenir dupe en voulant être bienfaisant et libéral ; de passer pour faible en paraissant trop tendre et trop sensible ; en un mot, d’excéder ou de ne pas remplir assez des devoirs qui sont renfermés d’une manière trop obscure dans les notions générales d’humanité et de douceur. Dans cette incertitude, il n’y a que l’expérience ou l’exemple qui puisse déterminer raisonnablement le penchant du cœur. Or l’expérience n’est point un avantage qu’il soit libre à tout le monde de se donner ; elle dépend des situations différentes où l’on se trouve placé par la fortune. Il ne reste donc que l’exemple qui puisse servir de règle à quantité de personnes dans l’exercice de la vertu.

C’est précisément pour cette sorte de lecteurs que des ouvrages tels que celui-ci peuvent être d’une extrême utilité, du moins lorsqu’ils sont écrits par une personne d’honneur et de bon sens. Chaque fait qu’on y rapporte est un degré de lumière, une instruction qui supplée à l’expérience ; chaque aventure est un modèle d’après lequel on peut se former ; il n’y manque que d’être ajusté aux circonstances où l’on se trouve. L’ouvrage