s’éloigne dans la pratique. Si les personnes d’un certain ordre d’esprit et de politesse veulent examiner quelle est la matière la plus commune de leurs conversations, ou même de leurs rêveries solitaires, il leur sera aisé de remarquer qu’elles tournent presque toujours sur quelques considérations morales. Les plus doux moments de leur vie sont ceux qu’ils passent, ou seuls ou avec un ami, à s’entretenir à cœur ouvert des charmes de la vertu, des douceurs de l’amitié, des moyens d’arriver au bonheur, des faiblesses de la nature qui nous en éloignent, et des remèdes qui peuvent les guérir. Horace et Boileau marquent cet entretien comme un des plus beaux traits dont ils composent l’image d’une vie heureuse. Comment arrive-t-il donc qu’on tombe si facilement de ces hautes spéculations, et qu’on se retrouve sitôt au niveau du commun des hommes ? Je suis trompé, si la raison que je vais en apporter n’explique pas bien cette contradiction de nos idées et de notre conduite : c’est que tous les préceptes de la morale n’étant que des principes vagues et généraux, il est très-difficile d’en faire une application particulière au détail des mœurs et des actions.
Mettons la chose dans un exemple : les âmes bien nées sentent que la douceur et l’humanité sont des vertus aimables, et sont portées d’inclination à les pratiquer ; mais sont-elles au moment