Page:Prévost - Manon Lescaut, Charpentier, 1846.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.

appelé sur le terrain de la défense personnelle, et il s’en tira toujours avec dignité et mesure. Attaqué par un Jésuite du Journal de Trévoux au sujet d’un article sur Ramsay, il répliqua si décemment, que les Jésuites sentirent leur tort et désavouèrent cette première sortie. Il releva avec plus de verdeur les calomnies de l’abbé Lenglet-Dufresnoy ; mais sa justification morale l’exigeait, et on doit à cette nécessité heureuse quelques-unes des explications dont nous avons fait usage sur les événements de sa vie. Ce que nous n’avons pas mentionné encore, et ce qui résulte, quoique plus vaguement, du même passage, c’est que, depuis son séjour en Hollande, Prévost n’avait pas été guéri de cette inclination à la tendresse d’où tant de souffrances lui étaient venues. Sa figure, dit-on, et ses agréments avaient touché une demoiselle protestante d’une haute naissance qui voulait l’épouser. Pour se soustraire à cette passion indiscrète, ajoute son biographe de 1764, Prévost passa en Angleterre ; mais, comme il emmena avec lui la demoiselle amoureuse, on a droit de conjecturer qu’il ne se défendait qu’à demi contre une si furieuse passion. Lenglet l’avait brutalement accusé de s’être laissé enlever par une belle : Prévost répondit que de tels enlèvements n’allaient qu’aux Médor et aux Renaud, et il exposa, en manière de réfutation, le portrait suivant tracé de lui par lui-même : « Ce Médor, si chéri des belles, est un homme de trente-sept à trente-huit ans, qui porte sur son visage et dans son humeur les traces de ses anciens cha-

    personnelle, est bien expressément de Prévost. Mais on doit croire que Prévost, alors en Angleterre, ne parla la première fois de la Bibliothèque des Romans que d’après quelques renseignements et sans l’avoir lue. D’ailleurs, outre la physionomie de l’éloge, qui ne dément pas la paternité présumée, ce numéro, où il est question de Manon Lescaut, fait partie d’une série dont Prévost s’est avoué le rédacteur. Walter Scott, de nos Jours, n’a-t-il pas écrit ainsi, sans plus de façon, des articles d’éloges sur ses propres romans ?