Page:Prévost - Manon Lescaut, Charpentier, 1846.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.

désespoir au sein de la religion, dans l’abbaye de…, où il séjourne trois ans, le marquis en est tiré, à force de violences obligeantes, par M. le duc de…, qui le conjure de servir de guide à son fils dans divers voyages. Ils partent donc pour l’Espagne d’abord, puis visitent le Portugal et l’Angleterre, le vieux marquis sous le nom de M. de Renoncour, le jeune sous le titre de marquis de Rosemont. Les conseils du mentor à son élève, son souci continuel et respectueux pour la gloire de cet aimable marquis ; ce qu’il lui recommande et lui permet de lecture, le Télémaque, la Princesse de Clèves ; pourquoi il lui défend la langue espagnole ; son soin que chez un homme de cette qualité, destiné aux grandes affaires du monde, l’étude ne devienne pas une passion comme chez un suppôt d’université ; les éclaircissements qu’il lui donne sur les inclinations des sexes et les bizarreries du cœur, tous ces détails ont dans le roman une saveur inexprimable, qui, pour le sentiment des mœurs et du ton d’alors, fait plus, et à moins de frais, que ne pourraient nos flots de couleur locale. L’amour du marquis pour dona Diana, l’assassinat de cette beauté, et surtout le mariage au lit de mort, sont d’un intérêt qui, dans l’ordre romanesque, répond assez à celui de Bérénice en tragédie. Après le voyage d’Espagne et de Portugal, et durant la traversée pour la Hollande, M. de Renoncour rencontre inopinément dans le vaisseau ses deux neveux, les fils d’Amulem, frère de Sélima ; et cette gracieuse turquerie, jetée au travers de nos gentilshommes français, ne cause qu’autant de surprise qu’il convient. Arrivé à terre, le digne gouverneur rejoint son beau-frère lui-même, et les voilà se racontant leurs destinées mutuelles depuis la séparation. Il y est parlé, entre autres particularités, d’une certaine Oscine, à qui Amulem a offert, sans qu’elle ait accepté, d’être, en l’épousant,