voile ; qu’il en avait cherché pendant plusieurs mois dans divers ports, et qu’en ayant enfin rencontré un à Saint-Malo, qui levait l’ancre pour la Martinique, il s’y était embarqué, dans l’espérance de se procurer de là un passage facile à la Nouvelle-Orléans ; que le vaisseau malouin ayant été pris en chemin par des corsaires espagnols, et conduit dans une de leurs îles, il s’était échappé par adresse ; et qu’après diverses courses, il avait trouvé l’occasion du petit bâtiment qui venait d’arriver pour se rendre heureusement près de moi.
Je ne pouvais marquer trop de reconnaissance pour un ami si généreux et si constant. Je le conduisis chez moi ; je le rendis maître de tout ce que je possédais. Je lui appris tout ce qui m’était arrivé depuis mon départ de France ; et, pour lui causer une joie à laquelle il ne s’attendait pas, je lui déclarai que les semences de vertu qu’il avait jetées autrefois dans mon cœur commençaient à produire des fruits dont il allait être satisfait. Il me protesta qu’une si douce assurance le dédommageait de toutes les fatigues de son voyage.
Nous avons passé deux mois ensemble à la Nouvelle-Orléans pour attendre l’arrivée des vaisseaux de France ; et nous étant enfin mis en mer, nous prîmes terre, il y a quinze jours, au Havre-de-Grâce. J’écrivis à ma famille en arrivant. J’ai appris, par la réponse de mon frère aîné, la triste nouvelle de la mort de mon père, à laquelle je tremble, avec trop de raison, que mes égarements n’aient contribué. Le vent étant favorable pour Calais, je me suis