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donner l’épouvante à ces misérables, qui ne sont point capables de se défendre honorablement lorsqu’ils peuvent éviter le péril du combat par une lâcheté.

Comme je ne manquais point d’argent, le garde du corps me conseilla de ne rien épargner pour assurer le succès de notre attaque. « Il nous faut des chevaux, me dit-il, avec des pistolets, et chacun notre mousqueton. Je me charge de prendre demain le soin de ces préparatifs. Il faudra aussi trois habits communs pour nos soldats, qui n’oseraient paraître dans une affaire de cette nature avec l’uniforme du régiment. » Je lui mis entre les mains les cent pistoles que j’avais reçues de M. de T*** ; elles furent employées le lendemain jusqu’au dernier sol. Les trois soldats passèrent en revue devant moi ; je les animai par de grandes promesses ; et, pour leur ôter toute défiance, je commençai par leur faire un présent à chacun de dix pistoles.

Le jour de l’exécution étant venu, j’en envoyai un de grand matin à l’hôpital, pour s’instruire, par ses propres yeux, du moment auquel les archers partiraient avec leur proie. Quoique je n’eusse pris cette précaution que par un excès d’inquiétude et de prévoyance, il se trouva qu’elle avait été absolument nécessaire. J’avais compté sur quelques fausses informations qu’on m’avait données de leur route, et m’étant persuadé que c’était à La Rochelle que cette déplorable troupe devait être embarquée, j’aurais perdu mes peines à l’attendre sur le chemin d’Orléans. Cependant je fus informé, par le