ce vieillard vindicatif, qui s’était déjà fort emporté contre lui, en lui reprochant ses desseins de commerce avec Manon.
Il ne me restait donc que la voie de la violence, telle que M. de T*** m’en avait tracé le plan ; j’y réduisis mes espérances. « Elles sont bien incertaines, lui dis-je ; mais la plus solide et la plus consolante pour moi est celle de périr du moins dans l’entreprise. » Je le quittai en le priant de me secourir par ses vœux ; et je ne pensai plus qu’à m’associer des camarades à qui je pusse communiquer une étincelle de mon courage et de ma résolution.
Le premier qui s’offrit à mon esprit fut le même garde du corps que j’avais employé pour arrêter G*** M***. J’avais dessein aussi d’aller passer la nuit dans sa chambre, n’ayant pas eu l’esprit assez libre pendant l’après-midi pour me procurer un logement. Je le trouvai seul : il eut de la joie de me voir sorti du Châtelet. Il m’offrit affectueusement ses services : je lui expliquai ceux qu’il pouvait me rendre. Il avait assez de bon sens pour en apercevoir toutes les difficultés ; mais il fut assez généreux pour entreprendre de les surmonter.
Nous employâmes une partie de la nuit à raisonner sur mon dessein. Il me parla des trois soldats aux gardes dont il s’était servi dans la dernière occasion comme de trois braves à l’épreuve. M. de T*** m’avait informé exactement du nombre des archers qui devaient conduire Manon ; ils n’étaient que six. Cinq hommes hardis et résolus suffisaient pour