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si l’on pouvait se flatter de quelque chose de ce côté-là, ce ne pouvait être qu’en faisant changer de sentiment à M. de G*** M*** et à mon père, et en les engageant à prier eux-mêmes M. le lieutenant général de police de révoquer sa sentence. Il m’offrit de faire tous ses efforts pour gagner le jeune G*** M***, quoiqu’il le crût un peu refroidi à son égard par quelques soupçons qu’il avait conçus de lui à l’occasion de notre affaire, et il m’exhorta à ne rien omettre de mon côté pour fléchir l’esprit de mon père.

Ce n’était pas une légère entreprise pour moi ; je ne dis pas seulement par la difficulté que je devais naturellement trouver à le vaincre, mais par une autre raison qui me faisait même redouter ses approches : je m’étais dérobé de son logement contre ses ordres, et j’étais fort résolu de n’y pas retourner, depuis que j’avais appris la triste destinée de Manon. J’appréhendais avec sujet qu’il ne me fit retenir malgré moi, et qu’il ne me reconduisît de même en province. Mon frère aîné avait usé autrefois de cette méthode. Il est vrai que j’étais devenu plus âgé ; mais l’âge était une faible raison contre la force. Cependant je trouvai une voie qui me sauvait du danger : c’était de le faire appeler dans un endroit public, et de m’annoncer à lui sous un autre nom. Je pris aussitôt ce parti. M. de T*** s’en alla chez G*** M***, et moi au Luxembourg, d’où j’envoyai avertir mon père qu’un gentilhomme de ses serviteurs était à l’attendre. Je craignais qu’il n’eût quelque peine à venir, parce que la nuit approchait. Il parut néanmoins peu après, suivi de