sur-le-champ au séminaire de Saint-Sulpice, sans m’embarrasser si je serais reconnu. Je fis appeler Tiberge. Ses premières paroles me firent comprendre qu’il ignorait encore mes dernières aventures. Cette idée me fit changer le dessein que j’avais de l’attendrir par la compassion. Je lui parlai, en général, du plaisir que j’avais eu de revoir mon père, et je le priai ensuite de me prêter quelque argent, sous prétexte de payer, avant mon départ de Paris, quelques dettes que je souhaitais de tenir inconnues. Il me présenta aussitôt sa bourse. Je pris cinq cents francs sur six cents que j’y trouvai ; je lui offris mon billet : il était trop généreux pour l’accepter.
Je tournai de là chez M. de T***. Je n’eus point de réserve avec lui. Je lui fis l’exposition de mes malheurs et de mes peines ; il en savait déjà jusqu’aux moindres circonstances, par le soin qu’il avait eu de suivre l’aventure du jeune G*** M***. Il m’écouta néanmoins, et me plaignit beaucoup. Lorsque je lui demandai ses conseils sur les moyens de délivrer Manon, il me répondit tristement qu’il y voyait si peu de jour, qu’à moins d’un secours extraordinaire du ciel, il fallait renoncer à l’espérance ; qu’il avait passé exprès à l’hôpital depuis qu’elle y était renfermée ; qu’il n’avait pu obtenir lui-même la liberté de la voir ; que les ordres du lieutenant général de police étaient de la dernière rigueur, et que, pour comble d’infortune, la malheureuse bande où elle devait entrer devait partir le surlendemain du jour où nous étions.
J’étais si consterné de son discours, qu’il eût pu parler une heure sans que j’eusse pensé à l’inter-