la solitude, au milieu des bois et des fontaines, une abbaye toujours dans le fond ; sur ces conversations morales entre amis, qu’Horace et Boileau ont marquées, nous dit-il, comme un des plus beaux traits dont ils composent la vie heureuse. Son christianisme est doux et tempéré, on le voit ; accommodant, mais pur ; c’est un christianisme formel qui ordonne à la fois la pratique de la morale et la croyance des mystères ; d’ailleurs, nullement farouche, fondé sur la grâce et sur l’amour, fleuri d’atticisme, ayant passé par le noviciat des Jésuites et s’en étant dégagé avec candeur, bien qu’avec un souvenir toujours reconnaissant. Gresset, dans plusieurs morceaux de ses épîtres, nous en donnerait quelque idée que Prévost certainement ne désavouerait pas.
Boileau, plus sévère et aussi humain, Boileau, que je
me reproche de n’avoir pas assez loué autrefois sur ce
point, non plus que sur quelques autres, a été inspiré
de cet esprit de piété solide dans son épitre à l’abbé Renaudot.
L’admirable caractère de Tiberge, dans
Manon Lescaut, en offre en action toutes les lumières et toutes
les vertus réunies. Du milieu des bouleversements de sa
jeunesse et des nécessités matérielles qui en furent la
suite, Prévost tendit d’un effort constant à cette sagesse
pleine d’humilité, et il mérita d’en cueillir les fruits dès
l’âge mûr. Il conserva toute sa vie un tendre penchant
pour ses premiers maîtres, et les impressions qu’il avait
reçues d’eux ne le quittèrent jamais. Il est possible, à la
rigueur, que la philosophie, alors commençante, l’ait
séduit un moment dans l’intervalle de sa sortie de la
Flèche à son entrée chez les Bénédictins, et que le personnage
de Cléveland représente quelques souvenirs personnels
de cette époque. Mais, au fond, c’était une