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après son arrivée, il apprit que j’étais au Châtelet.

Avant de recevoir sa visite, à laquelle j’étais fort éloigné de m’attendre si tôt, je reçus celle de M. le lieutenant général de police, ou, pour expliquer les choses par leur nom, je subis l’interrogatoire. Il me fit quelques reproches ; mais ils n’étaient ni durs ni désobligeants. Il me dit avec douceur qu’il plaignait ma mauvaise conduite ; que j’avais manqué de sagesse en me faisant un ennemi tel que M. de G*** M*** ; qu’à la vérité il était aisé de remarquer qu’il y avait dans mon affaire plus d’imprudence et de légèreté que de malice ; mais que c’était néanmoins la seconde fois que je me trouvais sujet à son tribunal, et qu’il avait espéré que je serais devenu plus sage après avoir pris deux ou trois mois de leçons à Saint-Lazare.

Charmé d’avoir affaire à un juge raisonnable, je m’expliquai avec lui d’une manière si respectueuse et si modérée, qu’il parut extrêmement satisfait de mes réponses. Il me dit que je ne devais pas me livrer trop au chagrin, et qu’il se sentait disposé à me rendre service, en faveur de ma naissance et de ma jeunesse. Je me hasardai à lui recommander Manon, et à lui faire l’éloge de sa douceur et de son bon naturel. Il me répondit en riant qu’il ne l’avait point encore vue, mais qu’on la représentait comme une dangereuse personne. Ce mot excita tellement ma tendresse, que je lui dis mille choses passionnées pour la défense de ma pauvre maîtresse ; et je ne pus m’empêcher même de répandre quelques larmes. Il ordonna qu’on me re-