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Saint-Lazare. D’ailleurs, quoique je conservasse tout le respect dû à l’autorité paternelle, l’âge et l’expérience avaient diminué beaucoup ma timidité. J’écrivis donc, et l’on ne fit pas difficulté au Châtelet de laisser sortir ma lettre ; mais c’était une peine que j’aurais pu m’épargner si j’avais su que mon père devait arriver le lendemain à Paris.

Il avait reçu celle que je lui avais écrite huit jours auparavant. Il en avait ressenti une joie extrême ; mais, de quelque espérance que je l’eusse flatté au sujet de ma conversion, il n’avait pas cru devoir s’arrêter tout à fait à mes promesses. Il avait pris le parti de venir s’assurer de mon changement par ses yeux, et de régler sa conduite sur la sincérité de mon repentir. Il arriva le lendemain de mon emprisonnement.

Sa première visite fut celle qu’il rendit à Tiberge, à qui je l’avais prié d’adresser sa réponse. Il ne put savoir de lui ni ma demeure ni ma condition présente : il en apprit seulement mes principales aventures depuis que je m’étais échappé de St-Sulpice. Tiberge lui parla fort avantageusement des dispositions que je lui avais marquées pour le bien dans notre dernière entrevue. Il ajouta qu’il me croyait entièrement dégagé de Manon, mais qu’il était surpris néanmoins que je ne lui eusse pas donné de mes nouvelles depuis huit jours. Mon père n’était pas dupe ; il comprit qu’il y avait quelque chose qui échappait à la pénétration de Tiberge dans le silence dont il se plaignait, et il employa tant de soins pour découvrir mes traces, que, deux jours