Page:Prévost - Manon Lescaut, Charpentier, 1846.djvu/212

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dis-je, parlez sincèrement, m’aimerez-vous toujours ? » Elle me répondit qu’elle était bien malheureuse que j’en pusse douter. « Eh bien ! repris-je, je n’en doute point, et je veux braver tous nos ennemis avec cette assurance. J’emploierai ma famille pour sortir du Châtelet, et tout mon sang ne sera utile à rien, si je ne vous en tire pas aussitôt que je serai libre. »

Nous arrivâmes à la prison : on nous mit chacun dans un lieu séparé. Ce coup me fut moins rude, parce que je l’avais prévu. Je recommandai Manon au concierge, en lui apprenant que j’étais un homme de quelque distinction et lui promettant une récompense considérable. J’embrassai ma chère maîtresse avant de la quitter ; je la conjurai de ne pas s’affliger excessivement, et de ne rien craindre tant que je serais au monde. Je n’étais pas sans argent : je lui en donnai une partie, et je payai au concierge, sur ce qui me restait, un mois de grosse pension d’avance pour elle et pour moi. Mon argent eut un fort bon effet. On me mit dans une chambre proprement meublée, et l’on m’assura que Manon en avait une pareille.

Je m’occupai aussitôt des moyens de hâter ma liberté. Il était clair qu’il n’y avait rien d’absolument criminel dans mon affaire ; et, supposant même que le dessein de notre vol fût prouvé par la déposition de Marcel, je savais fort bien qu’on ne punit point les simples volontés. Je résolus d’écrire promptement à mon père, pour le prier de venir en personne à Paris. J’avais bien moins de honte, comme je l’ai dit, d’être au Châtelet qu’à