Page:Prévost - Manon Lescaut, Charpentier, 1846.djvu/199

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quais, et, lui ayant demandé s’il pourrait retrouver sur-le-champ son ancienne maîtresse, il l’a envoyé de côté et d’autre pour la chercher. Il s’imaginait que c’était à Chaillot qu’il fallait qu’elle allât vous trouver ; mais je lui ai appris qu’en vous quittant je vous avais promis de vous rejoindre à la comédie, ou que, si quelque raison m’empêchait d’y aller, vous vous étiez engagé à m’attendre dans un carrosse au bout de la rue Saint-André ; qu’il valait mieux, par conséquent, vous envoyer là votre nouvelle amante, ne fût-ce que pour vous empêcher de vous y morfondre pendant toute la nuit. Je lui ai dit encore qu’il était à propos de vous écrire un mot pour vous avertir de cet échange que vous auriez peine à comprendre sans cela. Il y a consenti ; mais j’ai été obligée d’écrire en sa présence, et je me suis bien gardée de m’expliquer trop ouvertement dans ma lettre.

» Voilà, ajouta Manon, de quelle manière les choses se sont passées. Je ne vous déguise rien, ni de ma conduite, ni de mes desseins. La jeune fille est venue, je l’ai trouvée jolie ; et, comme je ne doutais point que mon absence ne vous causât de la peine, c’était sincèrement que je souhaitais qu’elle pût servir à vous désennuyer quelques moments ; car la fidélité que je souhaite de vous est celle du cœur. J’aurais été ravie de pouvoir vous envoyer Marcel ; mais je n’ai pu me procurer un moment pour l’instruire de ce que j’avais à vous faire savoir. » Elle conclut enfin son récit en m’apprenant l’embarras où G*** M*** s’était trouvé en recevant le billet de M. de T***. « Il a balancé, me dit-elle,