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que votre peine ne vient que de votre jalousie, je l’aurais guérie en m’offrant à vous suivre sur-le-champ au bout du monde. Mais je me suis figuré que c’était la lettre que je vous ai écrite sous les yeux de M. G*** M***, et la fille que nous vous avons envoyée, qui causaient votre chagrin. J’ai cru que vous auriez pu regarder ma lettre comme une raillerie, et cette fille, en vous imaginant qu’elle était allée vous trouver de ma part, comme une déclaration que je renonçais à vous pour m’attacher à G*** M***. C’est cette pensée qui m’a jetée tout d’un coup dans la consternation ; car, quelque innocente que je fusse, je trouvais en y pensant que les apparences ne m’étaient pas favorables. Cependant, continua-t-elle, je veux que vous soyez mon juge après que je vous aurai expliqué la vérité du fait. »

Elle m’apprit alors tout ce qui lui était arrivé depuis qu’elle avait trouvé G*** M***, qui l’attendait dans le lieu où nous étions. Il l’avait reçue effectivement comme la première princesse du monde. Il lui avait montré tous les appartements, qui étaient d’un goût et d’une propreté admirables. Il lui avait compté dix mille livres dans son cabinet, et il y avait ajouté quelques bijoux, parmi lesquels étaient le collier et les bracelets de perles qu’elle avait déjà eus de son père. Il l’avait menée de là dans un salon qu’elle n’avait pas encore vu, où elle avait trouvé une collation exquise : il l’avait fait servir par les nouveaux domestiques qu’il avait pris pour elle, en leur ordonnant de la regarder désormais comme leur maîtresse ; enfin il